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Avocats, plaidoiries, jugement : le lycée Gaston DARBOUX prend des airs de tribunal pour lutter contre le harcèlement scolaire à Nîmes

Par admin gaston-darboux2, publié le jeudi 10 avril 2025 09:14 - Mis à jour le jeudi 10 avril 2025 09:14
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Un faux procès qui vise à sensibiliser les jeunes sur cette infraction punie par la loi (Crédit photo et article par Émeline ANDREANI du Midi Libre)

"Le tribunal, levez-vous"
Ce mercredi 9 avril, au lycée Gaston-Darboux, situé dans le quartier Saint-Césaire à Nîmes, c’est un décor peu habituel qui a investi une des salles de classe. Pupitre et robe d’avocat ont remplacé les traditionnels bancs d’école, le temps d’une matinée. Au menu, un faux procès pour un vrai sujet : la lutte contre le harcèlement scolaire.

"L’école n’est pas au-dessus des lois"

Une initiative portée par le professeur en économie-gestion au lycée, Abdelouhab ALILI. "Je voulais qu’ils se saisissent du sujet en incarnant le rôle d’avocat, de procureur et d’assesseurs. Car la plupart pensent que la seule sanction, c’est le conseil disciplinaire, alors que non. Et s’ils se sont inspirés du scénario imaginé par Carla FOSTER, du Lions club, il y a une grande part d’improvisation de leur part", souligne le professeur. Un projet soutenu par Abdelkrim GRINI, procureur d’Alès, qui a joué son propre rôle dans cette mise en scène. "C’est une façon de rappeler à ces jeunes que l’école n’est pas au-dessus des lois. Et que la justice peut venir chercher des auteurs potentiels de harcèlement scolaire, leur demander des comptes et les juger", explique-t-il à la trentaine de lycéens présents.

Passer la violence sous silence, une règle tacite

Après ce rappel à la loi, le procès s’ouvre. Sur le banc des prévenus, trois jeunes soupçonnés d’avoir agressé et harcelé un autre lycéen sur fond de clashs réciproques à travers des vidéos. "Et une vidéo intime a également été diffusée sur les réseaux sociaux. Des faits qui ont poussé Sacha, la victime, à faire une tentative de suicide", résume la fausse présidente du tribunal pour enfants. Tout au long du débat, chacun s’expliquera sur son implication. Et si les rôles sont fictifs, les arguments sont, eux, bien réels. "Il y a une règle tacite au lycée qui dit qu’il ne faut pas se mêler de la vie des autres", évoque un des témoins d’une agression fictive survenue à un arrêt de bus, et lors de laquelle Sacha a été frappé par deux des prévenus, puis déshabillé et filmé par la troisième mise en cause, en étant forcé à danser. "J’ai eu peur. Ils étaient trois, si j’intervenais, ils risquaient de s’en prendre à moi", souligne un second témoin de cette scène.

"Les jeunes passent leur temps à s’insulter tous les jours"

Le témoignage d’un troisième jeune dresse, lui, un phénomène bien présent dans le quotidien des jeunes : celui de la banalisation de la violence. "Les jeunes passent leur temps à s’insulter tous les jours, je ne savais pas si c’était pour rire ou pour de vrai", poursuit un troisième jeune qui a assisté à des scènes de violences, sans pour autant agir. Une "non-assistance à personne en danger", souligne brillamment Amal, l’une des assesseures du jour, qui traduit d’une certaine omerta chez ces jeunes. "Et si c’était vous qui étiez à la place de Sacha, vous n’auriez pas aimé que quelqu’un intervienne ?", relève justement Elyane, qui prend son rôle très à cœur du côté de la défense.

Puis place à l’audition des prévenus, qui montrent, cette fois, à quel point la notion de harcèlement est, parfois, mal identifiée par les lycéens. "Ce n’est pas du harcèlement, c’est arrivé qu’une fois, ce n’était pas répété", tente de se défendre l’un des mis en cause. Le second évoque la légitime défense, de quoi faire réagir le vrai procureur, Abdelkrim GRINI. "Trouvez-vous normal de répondre par la violence à des propos ?", l’interpelle-t-il. Enfin, la troisième mise en cause fait part de ses regrets. "Je ne pensais pas que ça irait si loin", explique-t-elle. "Et est-ce que, maintenant que vous savez jusqu’où ça peut aller, vous agiriez autrement ?", interpelle la procureure du jour, Laure. "Oui, sûrement", reconnaît la jeune fille.

Le rappel à la loi

Une fausse audience, digne d’un vrai procès tant les lycéens se sont impliqués dans leur rôle respectif. Et le silence qui a régné dans la salle vient confirmer cette belle prouesse de la part des jeunes. Mais outre l’aspect "mise en scène", cela permet surtout de mettre en évidence le risque du harcèlement, "qui peut parfois pousser au suicide", souligne Abdelkrim GRINI, qui s’est dit impressionné par la performance de ces jeunes. Et d’ajouter : "C’est un devoir citoyen de parler. Quand vous dites que vous ne voulez pas vous mêler de la vie des autres, je l’entends. Mais quand c’est de l’ordre du privé, quand un jeune se fait agresser dans un bus, vous devez agir, en prévenant le chauffeur de bus par exemple".

Et si à l’issue de ce procès, les trois prévenus ont été condamnés à des peines fictives, allant de la prison avec sursis à une mesure judiciaire d’investigation éducative, c’est surtout l’occasion de rappeler que le harcèlement est réprimandé par la loi. "Et la peine pour un adulte est de 10 ans de prison et 150 000 euros", rappelle, en guise de prévention, Laure, la (brillante) procureure du jour. Un message qui semble bien être passé auprès de l’ensemble des jeunes présents